Supposons des excursionnistes partis pour l’escalade d’un sommet difficile ; et considérons leur groupe quelques heures après le départ.
À ce moment on peut imaginer que l’équipe se divise en trois sortes d’éléments.
Les uns regrettent d’avoir quitté l’auberge.
La fatigue, les dangers leur paraissent disproportionnés avec l’intérêt du succès.
Ils décident de revenir en arrière.
Les autres ne sont pas fâchés d’être partis. Le soleil brille, la vue est belle. Mais pourquoi monter plus haut ? Ne vaut-il pas mieux jouir de la montagne là où on se trouve, en pleine prairie ou en plein bois ?
Et ils s’étendent sur l’herbe ou explorent les environs, en attendant l’heure du pique-nique.
D’autres enfin, les vrais alpinistes, ne détachent pas leurs yeux des cimes qu’ils se sont jurés d’atteindre. Et ils repartent en avant.
Des fatigués, – des bons vivants, – des ardents.
Trois types d’Homme que nous portons en germe, chacun au fond de nous-mêmes, – et entre lesquels, en fait, se divise depuis toujours l’Humanité autour de nous. (…)
Trois attitudes fondamentales en face de la Vie,
Et par la suite, inévitablement, trois formes opposées de bonheur en présence. (…)
Comme et avec le Monde, voulons-nous être heureux ? Laissons les fatigués et les pessimistes glisser en arrière. Laissons les jouisseurs s’allonger bourgeoisement sur la pente. Et joignons-nous sans hésiter au groupe de ceux qui veulent risquer l’ascension jusqu’au dernier sommet.
En avant !
Pierre Teilhard de Chardin