L’auteur de cet article, Alain Penchinat, exigeant avec la question, a modifié son texte daté du 4 mai sur la mondialisation. Sachant que les choix que l’on veut promouvoir pour les autres doivent commencer par nous impliquer nous-mêmes, ne faut-il pas, dit-il, ajuster la question et passer de la générosité au courage, autrement dit d’un « osons choisir » à « oui mais qui va oser ? »
Voici donc son texte, remanié dans ce sens :
Nicolas Hulot est une vigie. Au sens où il voit loin, il avertit mais il n’est pas ou plus à la barre….et il est respectable de le regretter. ‘’ Le temps est venu de ne plus se mentir ‘’ est le neuvième de ses cent principes pour un nouveau monde (Le Monde, daté 7 mai 2020) dont onze seulement concernent nos échanges de marchandises et de services à travers la Planète.
Avec une très sévère rage de dents, que je ne lui souhaite pas, Yves Cochet, tenant de la collapsologie et chantre de la vie le plus possible en autarcie, aura un choix à faire : choisir le plateau technique ultra moderne, conçu et fabriqué à l’étranger, de son dentiste ou avoir recours à quelqu’un de sa maisonnée pour lui arracher la dent douloureuse d’un coup de maillet. Sans le savoir, Yves Cochet choisira entre mondialisation et diminution de son pouvoir d’achat ou de confort. On présuppose son choix.
Le seul côté positif du Covid-19 est qu’il nous pousse à réfléchir, plus intensément qu’à l’occasion d’un cyclone ou d’un ouragan par-ci par-là, à l’organisation mondiale des échanges. La dimension planétaire du virus pousse à la réflexion planétaire sur la mondialisation sans, pour une fois, porter un jugement sur elle selon l’unique grille des gagnants et des perdants.
Instinctivement et en raisonnant par l’absurde, d’aucuns considèrent que ce terrible virus est la conséquence de nos échanges mondiaux presque sans limite : Le confinement pour le combattre n’est-il pas le symbole du zéro échange, Robinson Crusoë, sur son île, a-t-il, un jour, souffert d’une épidémie ?
Et pourtant, l’histoire des pandémies est vieille comme le monde. Elles sont naturellement la conséquence des échanges mais sans dépendre de leurs intensités. L’intensité de la grippe espagnole par rapport à ce Coronavirus ne peut être mise en parallèle avec l’intensité comparée des échanges en 1920 et en 2020.
En revanche l’intensité comparée des échanges peut être mis en parallèle avec le pouvoir d’achat comparé ou l’accès aux biens comparé entre les époques.
Et ‘’il est venu le temps de ne plus se mentir ‘’.
C’est bien la mondialisation qui permet aujourd’hui d’acheter un T-Shirt ou une raquette de tennis presque pour rien alors que trente ans auparavant ces achats étaient chers et fruits de sacrifice.
On imagine le pouvoir d’achat de la prime de rentrée scolaire servie à l’immense majorité des familles et investie presqu’exclusivement en produits textiles, chaussants ou éducatifs disponibles ici grâce à la mondialisation, si ceux-ci n’étaient fabriqués qu’en France ou en Europe ;
Oui, renoncer à la mondialisation est un choix, un choix de niveau de vie qui n’est ni jamais clairement exprimé ni jamais courageusement proposé.
Nicolas Hulot dans ses cent principes ne parle que de ‘’sobriété’’ à retrouver, de ‘’vie plus simple à réapprendre’’, de ‘’désirs plus simples’’ à faire naître, ou de ‘’distinction à faire entre essentiel et superflu ‘’. Ne sont-ce pas que des principes exclusivement réservés pour les plus favorisés d’entre nous ?
Car comment expliquer, et qui va le faire, à ceux qui ‘’peinent à joindre les deux bouts’’, qu’est fini le temps du petit électro-ménager abordable, du poste de télé que l’on peut s’offrir en deux jours de salaire , du téléphone portable en une demi-journée et plus généralement de tout ce qui fait que notre vie moderne est bien différente et plus agréable ( ?) que la vie passée.
Renoncer à la mondialisation, c’est proposer aussi aux pays émetteurs un changement drastique de leurs modèles en créant chez eux une baisse (temporaire ?) de niveau de vie et de transfert de technologie. On relève que ce renoncement n’entrainerait pas forcément d’augmentation de la pression migratoire du fait de la moindre attractivité des pays récepteurs du fait de leur moindre richesse privée comme publique.
On le voit, comme souvent in médio stat virtus, le haro sur la mondialisation ne peut être justifié par quelconques pandémies qui nécessitent bien sûr des mesures fortes, radicales, voire autoritaires, mais temporaires de confinement, donc de repli sur soi.
La crise que nous vivons, sans préjugé ni chasse au bouc émissaire trop facile, doit conduire à une réflexion approfondie, à un débat transparent et démocratique qui ne concernent pas seulement nos populations à qui il faut oser présenter la vérité; toutes les conséquences de la vérité que seule peut tempérer une politique de justice sociale nécessaire et équilibrée.
Il est probable que ce débat conduise à la volonté collective de poursuivre la voie des échanges mondiaux mais en les régulant plus efficacement, en les encadrant davantage par des règles environnementales et sociales efficientes et partagées. On rêve que notre génie pour normer, administrer, voire ‘’emmerder’’ se détourne un peu de son champ de manœuvre franco-français pour prendre le grand large.
Alain Penchinat, le 13 mai 2020