Un beau jour, ou était-ce une nuit, je fis un rêve étrange qui me tira abruptement de mon sommeil…
Je m’étais vu chez une personne qu’à bien scruter ma mémoire je crois reconnaître… mais dont, par convenance, je ne trahirai pas le nom. J’observais une peinture, examinant les lignes, les contours, les couleurs, les surfaces, les présences et même les absences… Après un temps d’intense contemplation, n’écoutant que ma sincérité, j’interrogeai l’artiste. Puis-je vous poser une question qui me hante depuis si longtemps… depuis une quarantaine d’années ? Étonné de m’entendre demander la permission de demander, mon interlocuteur acquiesça toutefois sans hésitation : Mais bien sûr. Qu’est-ce donc qui vous tourmente depuis si longtemps ? Respirant profondément comme si je craignais de me mettre à nu devant un inconnu, j’osai la question : Qu’est-ce qui se cache de l’autre côté de la toile… ? C’est là que je m’éveillai, presque en sursaut. Bouleversé, chamboulé, tourneboulé par cette étrange interrogation. Presque en état d’hypnose, je ne pus résister à priver pour quelques instants ma douce philosophe des tendres bras de Morphée. Pour m’enquérir de ce qu’elle pensait de cette énigmatique songerie… Question intrigante, inattendue, presque mystérieuse. Qui nous conduisit très vite à nous interroger sur les mécanismes inconscients lorsqu’un observateur contemple une toile. A la recherche des enjeux de l’acte de lecture. Que se passe-t-il lorsqu’une toile croise le regard d’un observateur ? ou un texte, les yeux d’un lecteur ? Derrière la toile, tout un vécu, des circonstances, des sentiments, des rêves et des angoisses (je songe à Guernica)… En amont de l’observateur également, autant de circonstances, de rêves, de craintes et d’espérances… Le texte biblique aussi a un passé, une histoire ; il est le résultat de ce que ses auteurs ont voulu, ont pu y mettre quelque chose d’eux-mêmes. Pareil pour le croyant qui, lui non plus, ne vient au texte sans son passé, ses souffrances et ses attentes, ses joies et ses peines. Autant de conditions de la lecture. Les pré-textes des récits bibliques, nos prétextes pour aborder le Livre. Tellement de subjectivités, tant et si bien qu’il me paraît impossible de nier que ce qui est écrit n’est peut-être pas tout à fait ce que Jérémie, Matthieu ou Paul voulaient dire… et ce que j’y découvre, ce qu’un autre percevra ! Mais pardon, je m’égare sans doute. Ce n’était qu’un rêve, bien sûr. Un impossible rêve…